ETUDE ET RESTAURATION

Programme d'étude et de restauration du fort de Buoux (84)

Le Fort de Buoux (classé au titre des MH en 1986) fait l’objet d’un programme d’étude et de restauration entamé en 2007. Initié par la petite commune qui compte 130 habitants, le programme est soutenu  par la DRAC/PACA. Les études préalables aux travaux, confiés à Didier Repellin (ACMH), font l’objet de missions régulières faisant intervenir les spécialistes du LA3M. Depuis 2012, la commune bénéficie de la collaboration d’un groupe de Légionnaires du 2e Régiment Etranger du Génie qui participent, dans le cadre d’une convention de formation, aux gros travaux de remise en état du site (nettoyages, déblaiements, remontage des restanques aux abords du Fort et purge des falaises).

 

Edifié sur le versant septentrional de la montagne du Luberon, et en bordure d’une voie traversant le massif, le Fort de Buoux exploite judicieusement un éperon rocheux défendu par de hautes falaises qui offre, naturellement, un mode de défense particulièrement efficace. Occupé de façon continue depuis le paléolithique moyen, le site fournit en nombre des artefacts qui mettent particulièrement en évidence les périodes du néolithique (moyen et final), ainsi que l’âge du bronze et la protohistoire. Avec quelques témoignages (fibules, monnaies de Trajan, Dalmatius), l’antiquité est également représentée pour une fonction du site de hauteur qui reste totalement énigmatique. La proximité de l’ancienne agglomération de Saint-Germain, dotée de son église prospectée au XIXe siècle et d’une nécropole rupestre, explique la quantité importante de céramique de l’antiquité tardive extraite des terres de remblais. Si l’on excepte les nombreux habitats et aménagements rupestres pouvant être vraisemblablement rattachés à cette phase d’occupation, aucune construction ne subsiste des occupations les plus anciennes.

 

L’ensemble des ruines désigne exclusivement les époques médiévale (XII/XIIIe siècle) et moderne (XVI/XVIIe siècle), le Fort étant édifié dans le courant du XIIIe siècle dans la version qui nous est parvenue et qui peut avoir succédé à une organisation plus ancienne. Cette hypothèse est soutenue par des détails architecturaux que conforte l’analyse de l’organisation de l’église qui révèle également des étapes de transformation ayant précédé une grande campagne de restauration réalisée au cours de la période gothique. Associée à un bourg contenant un groupe d’habitations semi rupestres, l’église, pourvue d’une chapelle latérale et d’une belle salle voûtée adossée, semble avoir détenu une double fonction paroissiale et castrale.

 

Les défenses médiévales, remarquablement adaptées à la topographie, occupent la partie haute de l’éperon défendu au sommet par une tour rectangulaire tenant lieu de donjon. L’espace est barré dans la progression par une série de murs transversaux doublés chacun d’un profond fossé creusé dans la roche. L’ensemble conserve une panoplie de détails caractéristiques (mise en œuvre des matériaux, portes surélevées dotées initialement de dispositif de franchissement amovible des fossés, tour-porche, archères et corps-de-garde, …) qui permettent d’attribuer une datation XIIIe. La réalisation la plus remarquable est toutefois apportée dans l’un des murs de barrage par une batterie de 40 hautes archères qui constitue un exemple rare. L’hypothèse de retrouver dans les défenses des inspirations proche-orientales constituent l’une des problématiques qui conduisent le programme.

 

Le projet de restauration de l’entrée du Fort a révélé, pour sa part, un ensemble militaire attribuable à la période des guerres de religion. L’espace, défendu par un rempart et une tour ronde, conserve, sous la végétation et les déblais de démolition, une série de corps-de-garde arasés. Bien identifiables par les techniques de construction ainsi que par plusieurs ouvertures de type bouche-à-feu, les constructions ont révélé la conservation, rare sur le site, de contextes archéologiques en place. Grâce à un abondant mobilier céramique (productions culinaires et vaisselle de table des XVI et XVIIe siècle, mais également des faïences résiduelles du XIVe siècle), les recherches dévoilent des productions originales dont l’origine aptésienne est fortement présumée. Cette opportunité offre l’occasion de réactiver un axe de recherche complémentaire insoupçonné, la céramique d’Apt, mentionnée seulement par les textes, étant méconnue avant le XVIIIe siècle.

 

Le Fort de Buoux, révélations sur la tradition potière en Pays d’Apt

Depuis le démarrage, en 2007, du programme d’étude et de restauration conduit au Fort de Buoux, nous portons une attention particulière à la question du mobilier céramique qui permet de réaliser des observations d’un grand intérêt. Etalées sur plusieurs milliers d’années d’occupation du site, les productions de poterie reconnues, embrassent une longue période depuis le néolithique jusqu’au XVIIe siècle. Bien identifiables pour chaque grande période, les groupes de céramique se distinguent entre elles et nous donnent la possibilité d’établir un premier bilan des connaissances qui se base sur l’expérience conduite ces dernières années sur le Fort. Ces conditions permettent d’enrichir à chaque campagne les lots extraits des contextes, avec cependant une difficulté majeure qui réside, à ce stade de l’avancement des recherches, dans la rareté des niveaux archéologiques en situation stratigraphique. En effet, la plupart des fragments proviennent de terres maintes fois remuées et déplacées, de remblais et comblements, qui compliquent la tâche d’identification historique, de datation fine et donc, de chronologie relative.

 

Cette difficulté à déterminer les productions en les classant chronologiquement s’applique principalement au groupe des céramiques communes vernissées produites entre les XIVe et XVIe siècle. Ceci, en raison des ressemblances dans les techniques de façonnage et de qualité des glaçures au plomb, la distinction devant se faire plus spécialement sur les formes qu’il est impératif de sérier en réalisant un travail de relevé graphique précis. A cette problématique s’ajoute la question des textures et des pâtes qui apportent  des données complémentaires précieuses. En se distinguant de façon indiscutable des productions connues du groupe Uzège notamment, et qui ont été largement diffusées dans tout le sud et la région rhodanienne, les types de céramique identifiés au Fort de Buoux contribueront à enrichir un domaine de la recherche, qui concerne la céramique médiévale et moderne, qui reste encore assez largement inexploité dans le bassin d’Apt. Ceci, en raison essentiellement du manque d’événements archéologiques illustrant ces périodes et porteurs d’avancées dans ce domaine. Le constat est tout à fait paradoxal, quand on se réfère à la longue tradition potière qui est connue par certains textes et qui devait aboutir au XVIIIe siècle à l’épanouissement de la technique des faïences qui perdure aujourd’hui encore. L’ensemble de ces données confère donc aux quelques milliers de tessons de céramique trouvés au Fort, une importance particulière dont nous réalisons l’enjeu pour l’avancée des connaissances et qui nous incite à vouloir développer le programme en relation avec les spécialistes.

 

En 2012, l’étude de l’aire de l’entrée du Fort nous a offert l’occasion d’appréhender un ensemble d’époque moderne (XVI/XVIIe siècle) qui illustre une étape de réinvestissement du Fort peu de temps avant les guerres de religion. Composé de plusieurs corps-de-garde protégés par une enceinte et une tour,  l’ensemble inédit revêt un intérêt considérable grâce à la mise en évidence et à la conservation de contextes archéologiques. Composés de couches de remblais amassés dès l’investissement de la troupe dans le but de niveler les espaces liés au rempart, les niveaux d’occupation en terre battue seront enfouis sous des recharges de terre après l’abandon de la place dès le milieu du XVIIe siècle. Cette chronologie embryonnaire calée sur l’époque moderne est extrêmement précieuse et permet de poser un premier jalon dans notre quête qui dépasse le cadre de l’étude du Fort. Illustrée par des productions mieux identifiées à chacune des campagnes archéologiques, la thématique de la céramique ouvre des perspectives tout à fait passionnantes qui intéressent, par extension, les productions aptésiennes antérieures à la période connue de l’épanouissement des faïenciers du XVIIIe siècle. Mentionné par quelques textes qui situent au XVe siècle le redémarrage de cette activité potière, le mouvement est appelé à connaître un développement remarquable au siècle suivant, ceci en raison principalement de la qualité des argiles qui feront rapidement d’Apt un centre artisanal important mais également un site d’approvisionnement régional réputé pour sa matière première. Ainsi, simultanément aux grands centres producteurs des régions de l’Uzège (Saint-Quentin-la-Poterie), de Bédoin et du Val de Durance, la cité aptésienne s’imposa t-elle dès la fin du Moyen Age en tant que site producteur majeur. A la lumière des découvertes faites récemment au Fort de Buoux, et des anciennes trouvailles locales qu’il devient impératif de ré-exhumer, le thème de la céramique aptésienne se dote d’un nouveau moteur de recherche qui révèle une autre thématique, et non des moindres, celle de la faïence médiévale. Le territoire aptésien aurait-il produit dès le XIVe siècle des pièces fines originales à décors verts et bruns, à l’instar de l’Avignon pontificale ou de l’Uzège ? Cette interrogation, motivée par des découvertes d’un intérêt majeur, montre l’importance des enjeux scientifiques contenus encore dans les ruines du Fort de Buoux et qui pourraient enrichir assez considérablement la réputation du bassin aptésien, foyer de production faïencière bien avant le XVIIIe siècle. 

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    Céramiques Fort de Buoux
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